« Des sommes faramineuses transportées dans des sacs scellés ! »

« Des sommes faramineuses transportées dans des sacs scellés ! »

arton5330-9caff.jpgLe 7e jour du procès d’Abdelmoumene Rafik Khalifa et de 74 autres accusés poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, entre autres association de malfaiteurs, vol qualifié, abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux dans des documents officiels, s’est poursuivi hier au tribunal criminel de Blida présidé par Menouar Antar.

Ce dernier a auditionné dans la matinée d’hier deux inculpés. Abdelwahab Réda, qui faisait partie de la garde rapprochée de l’ex-golden boy de Khalifa Bank, Abdelmoumene Rafik Khalifa a reconnu tous les faits rapportés dans l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation de la cour de Blida.

Le mis en cause a d’emblée affirmé au juge qu’il a même exercé en qualité de chauffeur de l’ex-patron de l’institution financière, objet de la poursuite judiciaire.

L’inculpé en question a indiqué au cours de son audition que l’ex-boss de Khalifa Bank l’a chargé à maintes reprises de lui ramener des sommes d’argent variant entre 100 et 150 millions de centimes, à l’occasion de la fête de l’Aid. J’avais les clés de sa villa, je déposais l’argent dans l’armoire du salon et je repartais.

Dans le même contexte, Abdelwahab a souligné que Khalifa Abdelmoumene l’a chargé par téléphone, depuis Paris, de se présenter auprès de Akli Youcef, premier responsable de la caisse principale de la banque sise à Chéraga et ce, dans le but de lui envoyer pas moins de 500 millions de centimes, soit 5 millions de dinars.

Le mis en cause a avoué avoir retiré des sommes faramineuses pour compte de son ex-patron de la caisse principale de Khalifa Bank sans remettre de documents justificatifs au caissier, ni recevoir un reçu en contrepartie.

Dans le même volet, l’inculpé a déclaré au juge d’audience : « J’ai retiré 200 000 DA, une fois 500 000 DA, 30 000 euros et 10 000 dollars. Les deux dernières sommes étaient destinées respectivement aux frais de déplacement des hommes d’affaires au forum de Philadelphie aux Etats Unis et couvrir le déplacement de Khalifa Abdelmoumene au Mali. »

Il a dit à titre d’exemple, que : « le directeur Akli Youcef ne remettait des enveloppes fermées ! »

Il a par ailleurs reconnu avoir voyagé avec Abdelmoumene Khalifa à plusieurs reprises notamment à Dubaï, Canada, Etats Unis, au Mali et en France. L’ex-officier de l’armée a déclaré : « J’ai fait la connaissance en France Ragheb El Ghemakh qui était le consultant de Khalifa en France.Il se chargeait de tout à Paris mais en Algérie, il n’avait aucune mission ! ».

Il a en outre indiqué : « Le Franco-Libanais se chargeait des festivités cinématographiques de Cannes .Lors de ce rendez-vous, j’ai eu l’occasion de rencontrer le célèbre comédien français Gérard Le Depardieu ».

Il a déclaré « Les voyages effectués à l’étranger avec Khalifa l’étaient beaucoup plus pour améliorer l’image de l’Algérie, non pas pour transférer de l’argent, et surtout pour consolider l’investissement du groupe Khalifa ».

A la question de savoir s’il a bénéficié d’avantages, le mis en cause était catégorique : « Je n’ai bénéficié d’aucun avantage mis à part mon salaire qui était de 15 millions –

Le procureur lui rappelle qu’il a été chargé par Abdelmoumene du retrait de 5 millions de dinars de la caisse principale de Khalifa Bank en 2003, juste après l’arrestation de l’ancien patron de Khalifa Airways, Djamel Guelimi, à l’aéroport.

Réda Abdelwahab a souligné : « Le directeur de la caisse principale a refusé de me remettre de l’argent et quand j’ai informé le boss, il s’est énervé et m’a coupé au nez mais il ne m’a pas manqué de respect comme rapporté dans l’instruction judiciaire ! ».

Le deuxième accusé appelé à la barre pour n’est autre que Toudjane Mouloud, qui occupait le poste de directeur adjoint chargé de la comptabilité au sein de la caisse principale de Khalifa Bank. Cet ancien cadre de la BNA a démissionné en 1999 après plus de 22 ans de service pour rejoindre le groupe Khalifa, car il avait des ambitions.

Au départ, il a occupé le poste de directeur général adjoint chargé de la comptabilité et du budget. Il a été nommé au même poste que le défunt Nekkache Hammou.

Interrogé à propos des prérogatives qu’il avait au sein de cette agence bancaire, l’inculpé a déclaré qu’il se chargeait du suivi de la comptabilité.

Il a par ailleurs affirmé que Djellab Mohamed, alors administrateur financier à la caisse principale, s’est étonné du fait que deux directeurs gèrent le même service. Ce dernier, actuellement ministre des Finances a décidé de me désigner à la tête de ce département.

Concernant les 11 écritures entre sièges, l’accusé a déclaré en direction du juge : « Nekkache m’a dit qu’il y avait ce problème et je lui ai conseillé de ne pas signer les PV de régularisation. Ces 11 écritures entre sièges devaient servir à combler le trou financier découvert par les inspecteurs. Le trou était de l’ordre de 3,2 milliards de dinars ».

« Est-ce que vous étiez au courant des retraits illégaux et des anomalies qui touchaient la caisse principale de la banque ? » coupe le président

« Je n’ai entendu parler de ces retraits d’argent que lors du procès de 2007 ! ».

Les 11 écritures entre sièges doivent être accompagnées par plusieurs exemplaires ? interrompt le président, et l’accusé de répondre : « Je n’étais pas au courant que les exemplaires n’ont pas été joints ! ».

« Vous trouvez que ce n’est pas grave ? » interroge le juge

« Bien sûr que c’est grave, monsieur le président ! » répond-il

A la question de savoir s’il avait rencontré Mir Ahmed qui occupait le poste d’inspecteur général à la banque Khalifa, il a répliqué : « Je ne l’ai pas vu ! ».

Interrogé à propos des retraits de sommes d’argent auprès de différentes agences bancaires, le mis en cause a tenu à souligner : « Ces derniers doivent être justifiés ».

Etiez-vous au courant des anomalies qui passaient à l’intérieur de la caisse principale ? L’inculpé a avoué que : « la comptabilité et la récupération des données n’étaient pas à jour ! ».

Il a reconnu avoir bénéficié de deux crédits, l’un de 50 millions de centimes pour l’achat d’un véhicule et l’autre de 90 millions de centimes pour la rénovation de Mon appartement.

Le troisième inculpé auditionné, Guellal Wahab, responsable de la sécurité du groupe Khalifa, chargé du transport de l’argent et de la protection des délégations étrangères, a d’emblée affirmé : « L’ancien DG de la sécurité et de la protection, Chachoua Abdelhafid, m’a chargé de deux missions à la caisse principale de Khalifa Bank.

J’ai été reçu par le directeur Akli Youcef qui m’a remis un sac scellé et une enveloppe scellée que j’ai remis personnellement à mon chef hiérarchique ». Il a par ailleurs souligné que son responsable l’a chargé une deuxième fois de la même mission au niveau de la même caisse principale.

Il a reconnu avoir bénéficié d’un crédit bancaire conformément à un acte notarié de 200 millions de centimes pour l’achat d’un appartement.

Larbi Salim est le quatrième accusé qui a été interrogé par le président du tribunal. Le mis en cause a été rappelons-le, condamné à deux ans de prison avec sursis. Cet ancien steward de Khalifa Airways a au cours de son audition reconnu avoir bénéficié d’un crédit de 150 millions de centimes pour la restauration de la villa familiale.

Le cinquième accusé qui a défilé devant le tribunal est Yacine Ahmed, ancien directeur général de Digromad, poursuivi pour avoir déposé des fonds colossaux de la société au niveau de la caisse principale de Khalifa Bank ; en contrepartie ses deux fils ont été embauchés par Khalifa Airways et Khalifa construction.

Au moment où nous mettons sous presse, les auditions se poursuivent