Bachdjarah (Alger ),Une commune enclavée en pleine Capitale

Bachdjarah (Alger ),Une commune enclavée en pleine Capitale

1 (1).jpgFace à l’insécurité, aux conditions de vie affligeantes, au manque d’opportunités d’emploi et de logement, Bachdjarah est en permanente lutte. Elle oeuvre de ses propres moyens pour gagner un pari au-delà de ses capacités.

C’est sous un temps ensoleillé que nous commençons notre virée dans une commune aussi dégradée et appauvrie que celle de Bachdjarah dans la banlieue d’Alger. Un quartier ghetto qui oeuvre sans relâche à redevenir un espace d’opportunités d’emploi, d’amélioration du niveau de vie et un foyer de quiétude, mais faute de moyens nécessaires, il demeure impuissante à relever ces défis. Pourtant, il n’est qu’à quelques kilomètres du centre névralgique de la Capitale algérienne, mais cette proximité ne lui a profité en rien que d’accroitre la hargne de ses habitants envers les pouvoirs publics qui, selon eux, ne semblent guère soucieux de leur désarroi. Bachdjarah offre un visage désolant et lamentable qui dit long sur le dénuement du niveau de vie. Certains de ses quartiers, pour ne citer que Les Palmiers, La Glacière, Djnane M’brouk ou Ouèd Ouchayeh n’arrivent plus à s’extirper de leurs anciens décors qui portent jusqu’à l’heure les marques de l’époque coloniale et les séquelles de la décennie noire. Ces quartiers en agonie ne demandent qu’à être rasés.

Ils suffoquent. Ils s’effondrent graduellement au rythme des brises puantes qui se dégagent de l’Oued El Harrach. Des routes s’enfoncent progressivement dans le laisser- aller. Des sacs d’ordures jonchent les trottoirs et rétrécissent les seuils des immeubles. Des baraques de fortune étaient implantées un peu partout. Un labyrinthe sans issues pour celui qui n’a jamais mis les pieds. La multitude des sentiers en cul-de-sac vous donne le tournis. Aux pieds des murs de ces baraques, de ces maisonnettes de misère, des femmes et enfants exposent leurs tristes visages aux rayons chaleureux du soleil. Au centre de la ville de Bachdjarah, une vue d’un temps passé vous saute aux yeux, là où vous jetez le regard. La densité de la population lui entrave tout élan de développement. Elle dresse un tableau si sinistre qui tend à fuir tous regards curieux qui s’aventurent dans cette localité, bien qu’elle soit grouillante de monde. Du monde qui ne se donne même pas la peine de jeter ses immondices dans les poubelles.

Pour eux là où il lance son sachet en est une. Un travail supplémentaire pour les services de nettoyage de Netcom et ceux de l’APC qui n’arrivent plus à suivre la cadence de l’amplification de la saleté à Bachdjarah. C’est de l’incivisme. Cette nouvelle culture qui balaie toutes tentatives de faire enraciner des valeurs d’émancipation. « quartier n’oscille qu’entre les fléaux sociaux et le manque de perspectives économiques, c’est un quartier qui n’aurait pas du l’être », nous disait Halim, un jeune de 30 ans rencontré à quelques encablures du nouveau siège de l’APC.

Après quelques minutes de discussion avec lui, il se propose de nous accompagner en voiture. Pour ce jeune bardé de petits diplômes mais peine à trouver un emploi décent, les habitants de Bachdjarah, notamment les jeunes, se battent avec leurs propres moyens pour sortir de la misère, ce qui explique le recours massif au commerce informel. Un commerce devenu au fil du temps, un moyen incontournable qui leur permettent de subvenir aux besoins de leurs familles. Ils étalent leurs marchandises à proximité du marché Miloudi-Bernis à quelques mètres du centre commercial Hamza.

En effet, depuis que les pouvoirs publics ont marqué une halte momentanée en ce qui concerne l’éradication des marchés informels, l’envahissement de la voie publique par des commerçants informels et le brouhaha qui va avec a repris son train-train. Tout se vend et tout s’achète, il ne vous reste qu’à négocier le prix. Ceci se fait au détriment des piétons, des automobilistes, des commerçants qui exercent leur activité dans la légalité, mais aussi au détriment des riverains qui redécouvrent les immondices, les tapages diurnes, les puanteurs des légumes pourris et des déchets de poisson. Un peu plus loin de cette avenue, en face de l’agence de Sonelgaz, les revendeurs d’or à la sauvette guettent de regard toutes silhouettes féminine qui arpentent cette ruelle. Présentoir en bois en main, ils ne laissent rien au hasard.

Tout est calculé dans le cas où les forces de l’ordre les assaillent ou une main aventureuse tente de leur dérober un petit quelque chose. Ne craigniez-vous pas la police ? « Non, la police ne me fait pas peur. Pour moi, je n’ai pas enfreint la loi et s’il y a une loi qui empêche un père de famille de gagner son pain, ils n’ont qu’à la changer », nous répondait un de ces revendeurs.

Une réponse qui se répète sur toutes les lèvres des commerçants interrogés. Pour eux, la balle est dans le camp des pouvoirs publics : « un emploi décent ou un espace aménagé et fréquentable, sinon on est bien là où nous sommes, le business est florissant », insistent-ils. Mais il faut le dire, cet espace densément fréquenté ne constitue pas seulement un souk où les ménages peuvent s’approvisionner en produits de toutes sortes à bas prix, mais il est aussi un lieu privilégié des pickpockets et des vendeurs de psychotropes. Ils se faufilent au milieu des foules en semant la terreur. Il faut rester sur ses gardes. La violence n’attend qu’un geste de trop pour s’éclater.

Mais l’insécurité, ici à Bachdjarah, ne se voit plus comme un phénomène inédit. Alors que l’insulte et les expressions brutales et vulgaires résonnent au quotidien à même dans la bouche des gamins. Là, l’oisiveté née du chômage et la consommation de la drogue ne font qu’accroitre cette manifestation de frustration et de marginalisation sociale. « Nos enfants n’ont nulle part où jouer. Ce n’est guère un endroit où tu peux laisser seul ton enfant, ta soeur ou ta femme, aller à l’école, au médecin ou faire les achats sans qu’ils soient accompagnés par un homme. Ici, il faut se méfier de tout le monde et ne se montrer en aucun cas que tu es différent d’eux. Il faut que tu fasses partie du décor pour que tu n’attire pas leur attention », raconte Idir rencontré au centre commercial Hamza. Cependant si ces jeunes occupent de mauvais gré le trottoir, debout durant de longues journées, à tenter de vendre quelque chose, c’est parce que l’espace qu’il devait occuper dans les entreprises s’est réduit. Et s’ils occupent avec arrogance les bordures des ruelles pour narguer les passants, c’est uniquement parce qu’au moment de leur scolarité, les portes de leurs écoles étaient fermées et entachées du sang de la violence intégriste. Bachdjarah avait tellement enduré. Il fut le fief des terroristes et leur champ de bataille. Il ne se passait un jour sans qu’une atrocité ne soit commise à l’encontre de cette population vulnérable. À qui la faute ? Quoi ou qui a laissé Bachdjarah en marge de l’essor socioéconomique qu’a connu ces dernières années l’Algérie ? Nécessite-elle un soutien plus conséquent de la part des hautes autorités ? Les responsables locaux sont-ils restés de marbre face à la situation alarmante dans laquelle s’est engloutie cette commune ?

L’APC annonce des projets prometteurs

Pour le vice-président de l’APC chargé de l’administration et des finances, Abdeslam Maïfi, la commune de Bachdjarah ne se distingue pas des autres communes de l’ensemble du pays, le manque de moyen est flagrant face à la densité de la population, tout ce qui peut être fait, en matière de la création de l’emploi, d’attribution de logement et d’amélioration du niveau de vie serait insuffisant.

C’est une lutte permanente nécessitant un soutien continu, non seulement de la part de l’administration, mais aussi de la part des citoyens. Pour lui, la question du chômage est un problème complexe qui se pose à tous responsables de communes. Au niveau de l’APC de Bachdjarah, dit-il, les postes d’emploi vacants sont très limités et ne baisseront d’un iota le taux élevé des chômeurs. C’est aux investisseurs de recruter, mais malheureusement notre commune ne dispose plus d’assiette foncière afin d’accueillir de nouveau projets, précise Abdeslam Maïfi qui tient, par ailleurs, à mettre en évidence l’impératif de développer les petits métiers dans les centres de formation professionnelle afin d’hisser le niveau de qualité des prestations. Abordant le problème crucial de logement, ce vice-président d’APC a fait savoir que le relogement des occupants du quartier Les Palmier (environ 1000 foyers) a été inscrit dans le programme de la lutte contre l’habitat précaire de la wilaya d’Alger.

« Ils seront relogés incessamment, alors que pour le quartier Boumaâza, on oeuvre au quotidien afin qu’il soit également programmés », a-t-il annoncé. En revanche, ce responsable se montre sceptique en ce qui concerne les quartiers de La Glacière, Djenane Mabrouk et Oued Ouchayeh arguant que les habitations sont des propriétés privées bâties à l’époque coloniale et qui ont connu des extentions lesquelles ont été mises à la location. Ce qui rend très délicat et complexe leur relogement. Dans le registre des efforts consentis dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des citoyens, Abdeslam Maïfi, arborant un calepin plein de réalisations et de futurs projets, a indiqué que la première bibliothèque de Bachdjarah a été inaugurée l’année dernière, alors que la deuxième est en cours de réalisation et l’ancien siège de l’APC sera probablement transformé en une Maison de la culture. En infrastructures sportives, notre interlocuteur, nous informe que la commune a bénéficié d’une salle polyvalente (opérationnelle depuis 2010), de revêtement de trois stades de proximité à Haï Dlala, Diar El Djemaâ et DNC. En outre, un projet de réalisation d’une piscine communale est en cours d’étude.

Par ailleurs, l’APC de Bachdjarah a entamé un vaste programme de réhabilitation de 10 mosquées pour une somme de 10 milliards de centimes et de 9 écoles primaires. En ce qui concerne les marchés, la commune a aménagé un espace au quartier Les Palmiers afin de permettre aux commerçants informels d’exercer leur activité dans un cadre organisé, mais ces derniers refusent de s’y installer sous prétexte d’isolement qui a rendu cet espace infréquentable par les ménages. Le marché de Miloudi Bernis, dira Maïfi, sera graduellement réhabilité et doté de toutes les commodités nécessaires d’ici la fin de l’année en cours. D’ailleurs, ajoute-t-il, la première tranche a été achevée depuis deux mois et les travaux de la deuxième tranche devront être entamés d’ici la fin de ce mois.

S’agissant du marché Dlala, les travaux de construction seront reconduits prochainement, a indiqué ce responsable qui énumère plus de 15 propositions de projets inscrits dans le cadre de la gestion urbaine de l’année 2011. Bachdjarah s’attend à d’autres projets à caractère socioéconomique qu’il lui permettra de sonner le glas d’un temps révolu.