Après que le président Bouteflika eut évoqué le complot contre la sécurité de l’état, La justice va-t-elle bouger ?

Après que le président Bouteflika eut évoqué le complot contre la sécurité de l’état, La justice va-t-elle bouger ?

64_slide_1_140219103901.jpgPour Me Khaled Bourayou, “dans cette affaire, il y a un élément fondamental qui est absent : la justice”.

Le dernier message du président Bouteflika avait qualifié la tempête politico-médiatique autour de l’Armée, en général, et du DRS, en particulier, de complot visant la sécurité de l’État. Dans son précédent message, il avait qualifié cette cabale de pire crise depuis 1962, c’est-à-dire plus grave que la crise terroriste. Mais aucune suite n’a été donnée à ces deux sorties du premier magistrat du pays.

Pire encore, le pyromane envoyé pour la besogne, Amar Saâdani, pour ne pas le nommer, se dit non concerné par les deux discours du président de la République. À vrai dire, d’une certaine façon, il ne l’est pas, puisqu’il n’a fait qu’exécuter un refrain concocté par les autres. Et c’est justement pour cela que les deux messages du chef de l’État prêchent par une généralité qui rappelle les années du parti unique, où l’on évoquait “le complot ourdi” à tout bout de champ.

Au lendemain de la sortie incendiaire du patron imposé à la tête du FLN, des sources sûres avaient évoqué un dépôt de plainte du DRS à l’encontre de l’auteur de ces attaques. D’autres sources avaient affirmé, pour leur part, que c’est le ministère public qui allait actionner la machine judiciaire, en invoquant les articles du code pénal, mais surtout ceux contenus dans la Charte pour la réconciliation nationale qui punissent les atteintes aux corps constitués, les atteintes à la sécurité de l’État et, surtout, les complots et autres intelligences avec des pays étrangers. Mais pour le moment, rien n’a été fait. Pour Me Khaled Bourayou, “dans cette affaire, il y a un élément fondamental qui est absent : la justice. Quand Saâdani parle d’assassinats (moines de Tibhirine, ndlr), cela s’appelle complicité passive. Je suis étonné que la chancellerie ne demande pas à la justice d’ouvrir une instruction”.

L’avocat rappelle l’épisode de Bouguerra Soltani qui avait parlé de liste noire de corrompus, avant de noter que rien de concret n’a été apporté devant la justice. “C’est inadmissible !”, dira-t-il. Me Bourayou va plus loin : “Quand les gens s’enrichissent ou commettent des actes contraires à la loi, le peuple n’est pas au courant, et quand on veut régler des comptes, on prend le peuple comme témoin. Quand un journaliste ou un avocat dénonce un crime, on le poursuit, mais quand un responsable parle, il n’y a rien.” Le dernier épisode en date concerne Hichem Aboud, le patron de deux journaux, qui a dû fermer boutique et retourner en exil pour avoir écrit un article sur la santé du président Bouteflika. Les médias, au cœur de la bataille qui se déroule présentement, ont été pointés du doigt par le chef de l’État dans son dernier message. Les pyromanes du dernier quart d’heure ont utilisé particulièrement deux supports pour leur propagande, et tout porte à croire que ce qui était valable pour le cas de Hichem Aboud ne le serait pas pour ces deux vecteurs, assurés, tout comme les politiciens en mission, de l’impunité.

Pour Me Bourayou, il ne suffit pas d’interdire qu’on touche aux institutions et à la sécurité de l’État, il faut, selon lui, qu’on précise que “l’on ne doit pas toucher impunément aux institutions”. Il considère qu’il est indispensable que l’on y ajoute une responsabilité pénale. “Imaginez qu’un journaliste ou un avocat ait dit ça. Il serait où maintenant ?” s’interroge-t-il.

Pour lui, tout responsable politique devrait être responsable de ses actes et de ses paroles. Alors, suite judiciaire ou pas de ce feuilleton à la Hitchcock ? Pour le moment, la chancellerie garde un troublant silence qui en dit long sur la folie qui s’est emparée du sommet de l’État à la veille d’une décisive clarification au sujet de l’élection présidentielle d’avril prochain.

A B