Après plusieurs rencontres fort médiatisées avec le chef de l’État, Lakhdar Brahimi peine à convaincre sur le caractère privé de ces entrevues

Après plusieurs rencontres fort médiatisées avec le chef de l’État, Lakhdar Brahimi peine à convaincre sur le caractère privé de ces entrevues

d-lakhdar-brahimi-peine-a-convaincre-sur-le-caractere-prive-de-ces-entrevues-c060f (1).jpg“C’est une rencontre privée. Je n’ai un rôle ni à l’intérieur ni à l’extérieur, même si certains disent qu’on me ramène pour dire que l’état de santé de Bouteflika est bon”, a déclaré le diplomate et ancien ministre des Affaires étrangères, Lakhdar Brahimi, en marge de la conférence Fikra. Cette précision n’est pas convaincante pour au moins les raisons suivantes : d’abord, parce que toutes les rencontres entre le chef de l’État et Lakhdar Brahimi, dont la dernière qui a eu lieu le 11 février dernier, se sont tenues sous les feux des projecteurs, avec une couverture assurée par la presse et les chaînes de télévision publiques. L’Agence de presse publique (APS) donne à l’entrevue de mercredi dernier un caractère officiel, en la classant dans la catégorie Audience. Voilà ce qu’a écrit cette agence ce jour-là : “Dans une déclaration à la presse au sortir de l’audience, M. Brahimi a indiqué avoir évoqué avec le président Bouteflika la situation en Algérie, dans le monde arabe et en Afrique, qualifiant ces deux régions de très importantes.” Ensuite, parce que les visites de l’ancien envoyé spécial de l’ONU ont toujours coïncidé avec des absences prolongées du président Bouteflika, alimentant de folles rumeurs sur son état de santé et son incapacité à assurer la gestion du pays. Et à chaque fois — exception faite de la rencontre de mercredi dernier —, Lakhdar Brahimi s’est empressé de rassurer les Algériens sur “l’amélioration de la santé” du chef de l’État, considérablement et visuellement affaibli par la maladie, après un AVC datant d’avril 2013.

Ce genre de déclarations ont ponctué pratiquement toute cette période de convalescence de Boutefilka, au point d’être assimilées à un bulletin de santé officiel et une preuve en images et en son pour mettre fin aux rumeurs.

L’ex-ministre des Affaires étrangères est sans doute la personnalité la plus reçue par le chef de l’État depuis le retour de celui-ci au pays, à la mi-juillet dernier, après une longue hospitalisation en France. Mais, c’est surtout le timing de ces conclaves fort médiatisés qui prête à interrogations. Constatons : une première rencontre a regroupé les deux hommes en novembre 2013, au moment où les réseaux sociaux annonçaient la mort de Bouteflika. Près de cinq mois plus tard, à quatre jours de la tenue de l’élection présidentielle, Lakhdar Brahim revient à la rescousse. Principal objet de discussion : le déroulement de la campagne électorale, dont la clôture officielle était prévue le jour même à minuit. Bouteflika se plaint à lui des attaques dont il a été la cible durant la campagne électorale. Et le président-candidat de conclure d’un air dépité : “C’est quoi ça ? C’est une fitna ? Une révolution ?

Un printemps ?” L’ex-envoyé spécial commente : “Il y a un peu de tout ça.”

À l’issue de cette audience, le diplomate déclare, encore une fois, avoir constaté “une nette amélioration de l’état de santé du président de la République”. Sous-entendant que Bouteflika était tout à fait capable de se présenter à sa propre succession. Le chef de l’État a accueilli de nouveau l’émissaire onusien démissionnaire, un peu plus d’un mois après sa reconduction pour un 4e mandat présidentiel consécutif. Officiellement Lakhdar Brahimi rendait visite à Bouteflika, à l’occasion de la fin de sa mission en tant qu’envoyé des Nations unies (ONU) et de la Ligue arabe pour la Syrie.

Il sera également reçu en octobre 2014.

Au total entre novembre 2013 et février 2015, Lakhdar Brahimi s’entretiendra publiquement cinq fois avec le chef de l’État. Où est le cachet privé de ces entrevues que ce diplomate veut mettre soudain en avant, alors qu’il n’a, pendant presque deux ans, jamais remis en cause leur utilisation outrancière par la présidence ? Pourquoi  se défend-il  maintenant d’être utilisé comme “alibi” ? C’est surtout sur ce point qu’il devra s’expliquer.

N. H.