Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes: ‘’Nous n’avons pas de stratégie de logement’’

Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes: ‘’Nous n’avons pas de stratégie de logement’’

logement_847640_679x417.jpgAlgérie Confluences: Est-ce que la qualité des logements AADL est bonne ou contestable, vu que plusieurs souscripteurs ayant bénéficié de ces logements en sont généralement mécontents à cause de la

qualité ?

Je pense qu’avant de poser la question de la qualité, il faut s’interroger sur la capacité des entreprises. Autrement dit, est-ce qu’on a des entreprises capables de réaliser un produit avec qualité ? Il me semble que non, surtout que le nombre de logements réalisés pour l’AADL, sera de 350 à 400 000 unités. On peut dire que c’est un nombre plus grand que l’entreprise, car avant de commencer, il faut avoir une stratégie de logement. Malheureusement ce qu’on comprend, on n’a pas de stratégies de logement.

l Mais qu’est-ce que vous voulez dire

par stratégie ?

C’est de voir tout les produits des 1548 communes qui ont besoin, disons d’orienter les communes. Recenser le patrimoine immobilier et le patrimoine foncier et ne pas aller ailleurs. Si on arrive à avoir les besoins de chaque commune, de là, on commence à injecter, voire à implanter des logements dans ces communes-là. Le deuxième point concerne le recensement des entreprises et poser la question suivantes : est-ce que les entreprises locales sont-elles capables de réaliser ou pas ? Et de quelle manière ? Par exemple : Est-ce qu’on a des entreprises capables de réaliser annuellement 40 à 50 logements ? Il y a un autre point qui touche aussi l’administration ! Est-ce que les agents administratifs sont capables d’honorer la situation des entreprises qui réalisent mensuellement les travaux ? On a vu les entreprises qui avaient réalisé des travaux et ce n’est qu’après, voire douze ou quatorze mois que leur première facture est honorée. Alors, il y a un retard qui se répercute non seulement sur le délai, mais aussi sur le portefeuille financier et la main d’œuvre. Pourquoi ? Parce qu’on a, durant les années 1970, épousé la construction préfabriquée et industrielle où on n’est jamais arrivé à avoir une expérience dans ce domaine-là. On croyait en fait avoir gagné la construction industrielle préfabriquée, mais on n’a pas produit des artisans industriels, tels que les charpentiers, les platriers, les vrais maçons, etc. Il faut dire la vérité, c’est-à-dire qu’on n’est pas capable. Nous, qu’est-ce que nous avons dit ? Nous avons proposé l’idée de voir des entreprises étrangères, mais nous ne voulons pas dire que ces entreprises fassent seules ces projets. En ce sens, il faut qu’il y ait un entreprenariat, un parrainage avec les entreprises algériennes. Il faut qu’on ait la formation de la main d’œuvre, mais aussi la formation des entreprises, parce que ces dernières ne sont pas capables. Par exemple : quand on octroie un projet à une entreprise, le directeur de celle-ci envoie un manoeuvre avec une brouette et bonjour les dégâts. Il faut, premièrement, classer les entreprises, demander tout le matériel qu’elles ont, la main d’œuvre et aussi celui qui chapeaute le chantier.

l Justement le ministre de l’habitat et de l’urbanisme parle actuellement de l’amélioration des outils de construction qui permettent de réaliser dans les plus brefs délais les projets en perspective. Qu’est-ce que vous en penser ?

Moi je me pose une question pourquoi il y a qu’une seule personnalité qui parle. Pourquoi les directeurs de l’OPGI, eux, ne parlent-ils pas ? Et si demain, cette personne-là quittera son poste, ces responsables diront que nous n’avons jamais fait de déclarations. Alors, laissons les maitres d’ouvrage de parler, de faire des déclarations pour pouvoir nous donner des comptes à la fin. Parce qu’il y a une personnalité qui parle, mais celle-ci a-t-elle mis en place une stratégie ? Le fait qu’on n’ait pas de stratégie, nous nous retrouvons à travailler de manière anarchique. Certes, il y a des entreprises étrangères qui sont en train de réaliser des logements, mais de quelle manière ? Il n’y a pas ni suivi ni contrôle lors de la réalisation. Le problème réside à ce niveau là ! Dernièrement, une personnalité a fait part de la disponibilité de matériaux locaux, mais ces derniers existent déjà depuis longtemps ! Pourquoi, attendre jusqu’à aujourd’hui pour révéler l’existence des ces matériaux ? Ce ne sont pas les matériaux qui manquent, c’est la main d’oeuvre dans les chantiers qui fait défaut. Il faut avoir une certaine qualité. Nous avançons des chiffres tout en les gonflant. Maintenant qui pourrait dire avoir réalisé 2000 ou 3000 logements de l’AADL ? Et de quelle manière ils sont réalisés ?

l Les lieux où sont construits généralement ces logements sont-ils réellement favorables, au gré du

bénéficiaire ?

Je me demande pourquoi nous sommes obnubilés par le logement et non pas par les infrastructures de logement. Quand on octroie un logement à un Algérien, au début il est content, mais un mois après, il va se rendre compte qu’il y a pas de marché, pas de transport, pas de maternité et d’école, etc. C’est pour cela qu’il retourne à sa ville en disant qu’il est souhaitable de me retrouver dans mon bidonville que d’habiter un logement vide de substances.

l Qu’en est-il du renouvellement de ces logements par leurs bénéficiaires ?

Oui, on a remarqué le renouvellement des appartements de l’AADL par leur propriétaire. Pourquoi ? Parce que il y a quelque chose qui ne va pas. Pourquoi on ne pose pas la question dès le départ, avant de lancer un projet dans une commune, on fait des portes ouvertes pour demander à l’intéressé qui va habiter ce qu’il faut ? Avec cette démarche, on crée d’abord la confiance, mais aussi un pont entre l’administration et l’administré. De jour au lendemain, on dit qu’on va réaliser 1,5 million de logements ; en 2018, il n’y aura plus de crise de logements, mais de quelle manière ? Il faut dire la vérité, il faut composer avec les habitants.

l Concernant la réglementation et la conformité de la construction, celles-ci sont-elles respectées ?

Toutes les réalisations locales, depuis 1962, n’ont ni acte, ni permis de construire, ni certificat de conformité. C’est très grave ! C’est l’anarchie totale ! Si demain, il va y avoir quelque chose, la Protection civile se retrouvera devant un gros problème, car il ne disposera pas de plan. Il y a la loi 08-15 de l’arrêté ministériel qui date de janvier 2012 obligeant le propriétaire à régulariser et à se conformer aux règles de construction. Finalement, il n’y a que 3% qui ont déposé leur dossier.

l L’AADL résoudra-t-elle le problème de logement en Algérie à l’orée de 2018, comme n’a de cesse de le répéter le ministre de l’Habitat ?

Le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme et de la Ville a été créé le 23 avril 1977. A ce jour là, 33 ministres y sont passés. Tous ont fait des déclarations fracassantes plus que l’actuel ministre. En 2005, par exemple, il y avait Hemimi, qui avait déclaré qu’on avait 35.000 entreprises, Nourdinne qui vient juste après déclarera qu’on avait 36.000, tandis que l’actuel ministre déclare qu’on a 6.000. Quelle chanson pourrons-nous chanter encore ? Voilà la réponse que je vous donne à votre interrogation.

l R. A.