20 AVRIL 1980-20 AVRIL 2015 : Il y a 35 ans, le printemps berbère entrait dans l’histoire

20 AVRIL 1980-20 AVRIL 2015 : Il y a 35 ans, le printemps berbère entrait dans l’histoire

7696719-11905406.jpgC’est aujourd’hui, lundi 20 avril 2015, que l’évènement marquant le 35ème anniversaire du printemps berbère aura lieu. Dans ce contexte historique, plusieurs manifestations et activités culturelles seront organisées à travers plusieurs régions du pays. Il est utile de signaler que le Printemps berbère lié à cette date, désigne l’ensemble des manifestations réclamant l’officialisation de la langue tamazight (berbère) et la reconnaissance de l’identité berbère en Algérie et qui ont eu lieu entre mars et avril 1980.

C’est à travers des marches qui seront organisées aujourd’hui que l’officialisation de la langue amazighe sera de nouveau réclamée. En effet, le printemps berbère commémoré le 20 avril de chaque année, marque une date officialisée par les berbérophones concernant l’identité et la culture berbère. Évoquer la question de l’amazighité et de l’identité amazigh et notamment les événements des années 1980, faisant suite à des revendications à caractère identitaire et linguistique de la part d’une partie de la population algérienne, c’est poser le doigt sur un sujet éminemment complexe de par sa portée identitaire dans l’Histoire de la République Algérienne. Trente-cinq ans après les faits, traiter la question de ce qui s’est réellement passé à l’époque n’est pas chose aisée, vu qu’il faudrait tout d’abord comprendre ce pan de l’Histoire de la nation algérienne fraîchement indépendante et notamment la psychologie sociétale algérienne. Par les hauts symboles de la cause ‘’berbériste’’ l’on dénombre les figures historiques ; Amar Imache, Houcine Aït Ahmed et Ali Yahia Abdenour, qui militèrent chacun à sa façon pour une reconnaissance de la particularité algérienne liée à son histoire amazighe.

Le premier suscité, en l’occurrence Amar Imache se mit dès 1934 à manifester dans sa démarche politique, son attachement à la coutume berbère. Convaincu que les institutions démocratiques peuvent donner à l’Algérie indépendante, un caractère social et démocratique, il plaide longtemps pour la prise en compte des structures sociales, politiques et économiques berbères : âarch : (communautés des terres villageoises) et tajmâat : (assemblée élue du village). Ces références explicites à des caractéristiques socio-culturelles berbères que tentent d’intégrer au mouvement national les dirigeants berbérophones, vont susciter défiance et suspicion de la part de leurs compagnons conservateurs.

Un militantisme de longue date

Ses actions politiques faisaient allusion à la vieille tradition républicaine, sans pour autant mentionner la question de la langue berbère, et il ne fut pas suivi par les nombreux militants de l’Etoile Nord-Africaine (ENA). En 1937, il publia un livre intitulé L’Algérie au Carrefour, qui traite le sujet de la revendication identitaire des Berbères. Dix ans plus tard, passé à l’UDMA (Union démocratique du Manifeste algérien) de Ferhat Abbas, Imache vit ses réunions publiques en Kabylie ‘’sabotées’’ par les jeunes et ardents militants du PPA (Parti du peuple algérien). Le deuxième personnage Hocine Aït Ahmed, quant à lui, faisait partie du mouvement culturel berbériste à l’intérieur du nationalisme algérien qui luttait pour l’indépendance de l’Algérie. Ce dernier, dès les premières heures du mouvement composa un hymne patriotique en berbère, traduit en arabe. La troisième figure de la culture algérienne et défenseur des Droits de l’Homme, Yahia Ali Abdenour, s’impliqua ouvertement dans le large débat d’une probable volonté de faire ressurgir les particularités socioculturelles berbérophones, il est bien connu pour ses positions publiquement assumées concernant la reconnaissance amazighe. Le 20 avril 1980 : une date également liée à la question amazighe du point de vue purement culturel portée par l’emblématique écrivain-poète Mouloud Mammeri, qui à travers ses écrits, sorti de l’ombre vers la lumière pour devenir en quelque sorte ‘’un symbole intellectuel’’ pour cette même ‘’cause’’ dont les racines naissent un mois avant, le 20 mars 1980 et sa fameuse conférence sur les «Poèmes kabyles anciens». C’est l’interdiction d’une de ses conférences à Tizi Ouzou sur la poésie kabyle ancienne qui est à l’origine des événements du Printemps berbère.

Les résultats d’une mobilisation

C’est ainsi que, dès la rentrée universitaire d’octobre 1980, chaque campus universitaire du centre du pays se dote d’un collectif culturel chargé de la promotion des activités culturelles berbères en milieu universitaire. Dès janvier 1981, de nombreux lycées suivent. Théâtre, chansons engagées foisonnent et expriment un bouillonnement inattendu chez les descendants de « l’Éternel Jugurtha ». Mais c’est le succès considérable des « cours sauvages de berbère » animés par Salem Chaker à la Faculté Centrale d’Alger et par Mustapha Benkhemou à l’Université de Bab Ezzouar et dans les Instituts de Boumerdès qui pousse les autorités de l’époque à réagir. À Béjaia un grand soulèvement commencera à partir du 19 mai 1981 autour de la revendication amazigh à laquelle s’est ajoutée la dénonciation du détournement du projet d’université vers une autre wilaya. Ce n’est qu’en 1989, avec l’émergence du multipartisme que des partis comme le RCD et le FFS, qui se revendiquent comme les héritiers du mouvement culturel berbère (MCB) obtinrent les agréments reconnaissant leurs activités politiques. Il est très difficile de situer avec exactitude la naissance du MCB. Ce que l’on peut dire c’est que le 20 avril 1980, devenu depuis le Printemps berbère, est une date très importante dans l’histoire de la revendication berbère. En effet, ce jour-là la question amazighe éclate au grand jour et les médias étrangers ont relayé l’information. L’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou est ébranlée par des événements graves. Les étudiants qui protestaient contre l’annulation d’une conférence sur la poésie kabyle ancienne, que devait donner Mouloud Mammeri, sont délogés avec violence par les forces de l’ordre.

Reconnaissance de l’identité amazighe

Le RCD et le FFS, fraîchement reconnus continuèrent officiellement à réclamer la reconnaissance de l’identité berbère. Plus tard, en 1996, l’identité amazighe est introduite dans la Constitution algérienne officiellement et reconnue comme composante de l’identité nationale avec l’Islam et l’arabité. À partir de cet amendement de la Constitution, les médias publics s’ouvrirent sur la langue tamazigh comme langue de communication et il a été installé un Haut Conseil à l’Amazighité (HCA). Ce dernier est un institut académique de l’Etat algérien, chargé de l’étude et de la promotion de la langue berbère en Algérie. Il fut créé par décret présidentiel le 27 mai 1995 sous le mandat du président Liamine Zeroual. C’est le premier institut officiel au Maghreb consacré à la culture et la langue berbère. Il est rattaché directement à la présidence de la République depuis sa création en 1995. Le HCA, en abrégé, est créé suite au boycott scolaire (année blanche) observé par les enfants de la Kabylie. Il a été présidé par Mohand Idir Aït Amrane de 1995 à 2004 et par Youcef Merahi. Actuellement, il est dirigé par son secrétaire général Si El Hachemi Assad.

Les missions du HCA sont diverses allant de l’étude de la composante centrale de la société algérienne : l’identité berbère (ou amazighe), à la promotion de l’enseignement de la langue berbère (tamazight) dans les milieux scolaires. C’est aussi un éditeur de livres concernant la culture berbère en général. En 2001, le mouvement des âarch émergea dans le sillage des revendications berbérophones, suite à la mort du jeune Massanissa Guermah dans une Brigade de la Gendarmerie. D’après la chercheuse Karima Direche-Slimani, « les âarch sont nés en Kabylie et puisèrent leur origines au sein de l’organisation sociale passée du monde berbère ». Le 12 mars 2001, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, annonce de nouvelles mesures allant dans le sens de l’apaisement — dont le statut de « langue nationale », accordé au tamazight. Mais les affrontements ne cessent pas entre les forces de l’ordre et les manifestants. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a chargé son chef du gouvernement, Ali Benflis de reprendre le dialogue. En octobre 2003, le chef du gouvernement rouvre les discussions avec les âarchs. Une grande partie des revendications de la « Plate-forme d’El Kseur » est accordée.

Tamazight, langue nationale en attendant l’officialisation

En 2002, l’Article 3 bis de la Révision constitutionnelle du 10 avril 2002 adoptée suivant la procédure prévue à l’article 176 de la Constitution]- Tamazight est également langue nationale. L’État œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés, linguistiques en usage sur le territoire national. L’année 2008, c’est la reconnaissance de la langue amazighe comme langue nationale. Actuellement, on parle désormais de l’officialisation de la langue amazighe, revendiquée par les partis d’opposition et par le Parti des Travailleurs (PT) et le Front de Libération Nationale (FLN), un nouveau débat passionnant comme dernière pierre à un édifice, bâti par les militants de la cause berbère. Le rendez-vous d’aujourd’hui avec l’histoire sera marqué par la tenue des conférences débats et l’organisation des expositions, retraçant les faits majeurs liés à cette date symbolique par des slogans tels que : «Pour la consécration de tamazight comme langue officielle !», «Pour une transition pacifique et démocratique» ou «Pour une Algérie unie et solidaire».

B. Adda & AS. Mohsen