14e jour du procès Khalifa Bank, La directrice de la monétique confrontée à Moumen Khelifa

14e jour du procès Khalifa Bank, La directrice de la monétique confrontée à Moumen Khelifa

d-la-directrice-de-la-monetique-confrontee-a-moumen-khelifa-860f6.jpgLe procès Khalifa Bank a connu, hier, son dernier jour d’audition de prévenus. Demain, ce sera au tour des accusés ayant purgé leur peine de se présenter à la barre en tant que témoins, à l’instar du directeur de la caisse principale de Chéraga de Khalifa Bank et du directeur de l’agence des Abattoirs d’où sortaient des sommes faramineuses sans documents justificatifs, tel qu’établi par l’instruction.

L’ex-directrice de la monétique, Lynda Benouis, confrontée à Rafik Moumen Khelifa ? C’était une chose inattendue et pourtant le président du tribunal criminel près la cour de Blida l’a fait. Lynda B. a intégré Khalifa Bank l’année 2000 avec pour mission la mise en place de la structure monétique de carte de retrait en dinar et en devise : Mastercard et American Express. Elle a bénéficié d’un prêt dans des conditions assez particulières. Elle raconte : “On habitait au 8e étage d’un immeuble à El-Biar, ma mère étant très malade, on devait déménager pour un autre logement situé au maximum au 2e étage. Nous n’arrivions pas à vendre notre appartement rapidement et le propriétaire du logement pour lequel nous avions postulé nous a donné une semaine pour conclure la transaction. Alors je suis allée voir Moumen Khelifa et je lui ai expliqué la situation, précisant qu’il me fallait 9 millions de centimes d’urgence et il m’a accordé le prêt.” Le magistrat l’interrompt en lui rappelant que pour avoir un crédit, il faut constituer un dossier. Elle réplique : “Je n’ai jamais parlé de crédit mais de prêt. J’ai donné à la banque le numéro de compte de la personne qui devait nous vendre la maison pour lui faire le virement de la somme.” Le juge l’interrompt encore une fois : “Vous voulez me faire croire qu’une personne qui gère un empire a le temps de s’occuper de ce genre de choses et puis l’argent qui sort d’une banque doit avoir une traçabilité légale. Admettons que Khelifa voulait vous aider pourquoi ne pas vous avoir fait un chèque ?” Lynda B. soutient qu’elle a remboursé le prêt en trois tranches de 3 millions de centimes en les remettant à un certain Houssou de la direction générale. “Je suis allée remettre la première tranche à M. Khelifa et c’est lui qui m’a demandé de la donner à Houssou et c’est ce que j’ai fait pour les deux dernières tranches. Quand j’ai fini de rembourser, j’ai adressé une lettre de remerciements à Rafik Khelifa sur laquelle il a accusé réception.”

Interrogé Moumen Khelifa donne une toute autre version : “Elle a demandé un crédit à la direction générale mais après je ne sais pas ce qui s’est passé. Elle a dû rembourser la banque.” Le juge : “Vous a-t-elle fait une lettre de remerciements ?” Khelifa : “Certainement pas.” Le magistrat : “Même pour moi cette méthode m’a paru bizarre. Je vous rappelle aussi que durant l’instruction vous avez déclaré que vous avez remis la première somme à Moumen sans témoin.”

Elle déclare que ses PV d’audition durant l’instruction sont truffés “de choses qu’elle n’a jamais dites. J’ai seulement dit au juge que lorsque j’ai demandé le prêt, Khelifa était seul”. La suite est connue. L’administrateur de Khalifa Bank, Mohamed Djellab, la convoque pour régulariser sa situation. Le liquidateur Moncef Badsi lui signifie par la suite que la lettre de remerciements avec accusé de réception qu’elle voulait présenter comme preuve du remboursement de la somme de 9 millions de centimes n’était pas recevable. Elle devait rembourser, mais elle reconnaît qu’elle ne l’a pas fait jusqu’à ce jour, considérant qu’elle a déjà payé sa dette.

Une villa de trois étages pour la modique somme de 700 millions de centimes

La mésaventure de Hadi Aggoun a commencé, quant à elle, avec l’achat d’une villa située dans le réputé Village des artistes de Zéralda au prix incroyable de 700 millions de centimes. Le bien en question lui a été vendu par Abdelhafid Chachoua, ancien directeur général de la société de sécurité et prévention du groupe Khalifa. Le prix initial était de

800 millions de centimes, précise le prévenu qui ajoute qu’il a engagé des travaux de finitions pour 450 millions de centimes. Le président de l’audience lui demande si cela lui a paru bizarre d’acheter une villa de trois étages construite sur 250 m2 sur une superficie globale de 500 m2 à ce prix. Hadi Aggoun concède qu’il l’avait estimée à 1,5 milliard de centimes. Le procureur général va droit au but en avançant que la maison a été bradée pour ne pas faire l’objet de saisie. “Le contrat de la villa a été établi en avril 2003 et l’instruction autour de l’affaire Khalifa le 25 mars 2003. Donc Chachoua était pressé de vendre parce que l’affaire avait démarré entre-temps à Chéraga”, accuse Zarg El-Ras. Le magistrat ajoute que le tribunal criminel a l’intime conviction que Chachoua a acheté la villa avec l’argent de Khalifa. Hadi Aggoun est poursuivi pour dissimulation d’un bien volé lié à une affaire criminelle. Le prévenu affirme qu’il a entendu parler du scandale Khalifa, mais ne connaissait pas Chachoua, précisant que la transaction a eu lieu par l’intermédiaire du père de ce dernier.

C’est au tour d’un ancien arbitre dans le championnat national et expert international en sport de passer à la barre. Avant d’entamer une carrière sportive, il a travaillé pendant 37 ans en tant que cadre au ministère des Télécommunications. À la retraite, il postule pour un poste de directeur des télécommunications au sein du groupe Khalifa et l’obtient pour un salaire de 60 000 dinars. “Ma mission consistait en la fourniture de supports de télécommunications à des agences de Khalifa Bank et ensuite à Khalifa Airways”. Lors de son recrutement, il a été reçu, chose rare, par Rafik Moumen Khelifa en personne. “Je crois que ma carrière d’arbitre m’a beaucoup aidé”. Le prévenu marque un moment d’émotion. Le juge saisit cette occasion pour faire une mise au point : “Je crois savoir par la presse que l’un des accusés a fait un malaise après son audition. On ne fait pas pression sur les gens, mais c’est de notre devoir de poser des questions pour pouvoir juger équitablement.” Antar Menouar sera très indulgent avec lui. Il le laisse même raconter longuement sa vie d’accusé. “En 2007, pendant 63 jours mes enfants ne savaient pas où partait leur père. Ils étaient à l’époque à l’université. En 2015, il demande à leur mère pourquoi notre père part de 6h30 jusqu’au soir et elle a dû leur expliquer que j’étais inculpé dans le cadre du procès Khalifa. Mon fils, ce matin, m’a envoyé un message me disant bon courage. D’ailleurs je ne sais pas ce que la justice me reproche.”

L’ex-directeur d’Antinéa : “On a mis fin à mes fonctions de manière violente”

Le magistrat veut savoir qui payait les factures des téléphones portables. “Au début, c’étaient les moyens généraux et j’ai demandé l’ouverture d’un compte au nom de la direction des télécommunications. Avec le comptable, il y avait la double signature.” À propos des six téléphones et six micros portables, il affirme qu’il les a remis à la direction générale de Khalifa Bank. “Pour faire l’inventaire, j’ai demandé à la DG de me donner les noms des personnes qui en ont bénéficié et on m’a dit qu’ils ont été attribués à la direction de la Cnas. Khelifa a continué à payer les factures entre 3 000 et

4 000 DA pour quatre portables seulement. Les autres ont fonctionné avec des abonnements.” Encore une fois, il verse dans les lamentations : “Beaucoup de gens ont souffert à cause de cette affaire. En 2007, j’ai été innocenté et le parquet a fait appel. J’ai vécu huit ans de cauchemar.” S’agissant des micros portables, d’un bureau et de deux chaises qu’il a gardés après la mise en faillite du groupe Khalifa, il soutient que ce sont des cadeaux reçus en France à la fin d’un stage par la société Sagem. “Ce sont des pratiques universelles qui entrent dans le cadre du marketing. Je n’ai bénéficié ni d’un crédit, ni d’une Mastercard, ni de voiture. J’ai arbitré six championnats nationaux.”

L’audition de Sid-Ahmed Hadadi ne sera pas longue. Victime d’un AVC en 2013, il a perdu l’usage de la parole. Le président du tribunal criminel tentera de communiquer avec lui en lui posant des questions directes sur ses déclarations lors de l’instruction. Haddadi a répondu par un hochement de tête et parfois par des phrases griffonnées sur une feuille. Il l’a interrogé surtout sur l’ordinateur qu’il n’a pas remis après la fermeture des structures du groupe Khalifa.

L’ex-directeur de la compagnie aérienne Antinéa et ancien directeur commercial de Khalifa Airways, déclare qu’il a été mis fin à ses deux fonctions “d’une manière simultanée et violente”. Il cherche à joindre Rafik Moumen Khelifa pour avoir des explications, mais au bout de quelques jours, il cède et procède à la passation de consignes. Il est poursuivi pour abus de confiance, ayant gardé un ordinateur de travail après son départ. Boukayeb Chafik explique : “J’ai tout remis à mon successeur mais je lui ai demandé de conserver ce micro car il contenait toutes les données de ma gestion. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque, il n’y avait pas toute cette technologie pour recopier et conserver des documents relatifs à ma gestion en vue de les mettre à la disposition du liquidateur. Nous n’avions à notre disposition que des disquettes. J’ai signé une décharge pour cet ordinateur et tout le monde savait qu’il était chez moi. J’étais payé 300 000 DA. Que valait pour moi ce simple micro que d’ailleurs je n’ai jamais utilisé pour autre chose que la consultation de ces dossiers ?”

Le procureur général lui demande s’il n’a pas été étonné de voir deux directeurs à la tête de Khalifa Airways. “C’est vrai que c’est une forme d’organisation à laquelle je ne me suis pas habitué. Je dois toutefois dire que Khalifa Airways fonctionnait avec quatre départements. La direction technique, la direction des opérations aériennes, la direction des opérations au sol et la direction commerciale. Toutes encadrées par des professionnels.”

N. H